Rêve d’un bouquet de roses

Une déportée du camp de concentration de Ravensbrück trouve un moyen pour survivre. Comme toutes les déportées elle est astreinte au travail forcé, vêtue de loques, elle a faim, elle a froid. Une nuit, couchée sur une paillasse infestée de vermine, elle rêve d'un bouquet de roses.
Claudine FOUREL est née DUCHASSIN Lucie le 19.12.1916 à Puteaux, elle est déportée le 13 mai 1944 au camp de Ravensbrück où elle a le matricule 38840. Elle est transférée au kommando de Zwodau. Elle travaille pour la firme Siemens.
BOUQUET DE ROSES
Cette nuit, j’ai rêvé d’un bouquet de roses,
Et ces roses ont mis en mon âme engourdie
Une fraicheur nouvelle
Cette pure vision m’a doucement ravie
Et me poursuit encore, comme une belle chose
Que j’aurais vue, réelle.
Une femme, toute jeune penchait vers cette merveille
Le rose de ses joues, le pourpre de ses lèvres ;
C’étaient des fleurs aussi
Qui se mêlaient aux autres, gracieuses et pareilles
Pour reposer mes yeux et calmer la fièvre
De mon cœur endurci.
Nul ne peut savoir ce qu’est pour moi ce rêve.
C’est comme un peu d’eau fraîche au voyageur lassé
Par la chaleur ardente ;
C’est, après la nuit noire, le soleil qui se lève ;
C’est un baume apaisant sur la plaie du blessé ;
Après la longue attente ;
C’est le bonheur qui vient, c’est la grande espérance
Du retour prochain dans notre douce France.
Pour une prisonnière,
C’est la joie de sentir la pensée qui s’évade
De cette vie de camps qui tue et qui dégrade,
Par-delà des barrières,
Vers l’été radieux, vers nos jardins en fleurs
Où résonnent les chants des oiseaux familiers.
Rêve miraculeux,
Rêve qui fait rêver et permet d’oublier
La boue qui colle aux pieds, des bassesses et les pleurs
De ce camp froid, odieux….
Miracle de mes roses, splendide réalité
Qui porte malgré tout vers la seule beauté.
Claudine FOUREL/Lucie
Ravensbrück-Zwodau
composé en Janvier 1945