Témoignage de Pascal Barilone déporté à Dachau et Buchenvald
Je suis né en Italie à Castelnova le 8 juin 1924, mes parents ont émigré vers la France, ils fuyaient la misère j’avais quatre mois.
Nous nous sommes installés à Saint Etienne.
J’ai passé une jeunesse tranquille, quand en 1940 la France est envahie, je rentre dans le Maquis, j’étais animé par l’esprit d’aventure, nous avons organisé un réseau, chargé d’organiser des actions de sabotage et de réceptionner les parachutages anglais.
Notre chef FELIX était chargé d’organiser et de coordonner les différentes actions menées dans la région Lyonnaise, le Vercors et l’Isère. Les relations avec la population locale étaient tendues, elle avait peur des représailles des SS. Notre maquis a été divisé en plusieurs groupes de 10 hommes, on se déplaçait très souvent dans les massifs forestiers de la région, on bougeait la nuit pour voler de la nourriture ou attaquer les convois.
Un lieutenant anglais nous a initiés au maniement des armes. Nos actions étaient sporadiques en fonction. Nous avons été dénoncés et arrêtés à Lyon Perrache en 1943. Cette arrestation est le fait de la Gestapo et de la Milice française.
A la suite d’une série d’interrogatoires très durs, nous avons été emmenés en Allemagne, plus précisément à Dachau, près de Munich. Le transport a été effectué dans un train de voyageurs.
A notre arrivée au camp, les juifs ont été séparés du groupe et transportés ailleurs…
Pendant 18 mois j’ai vécu l’enfer, nous étions envoyés dans les kommandos, dans différents chantiers. Lors de ces déplacements la population allemande nous voyait passer régulièrement, au retour des chantiers ils nous voyaient ramener les cadavres au camp. Il y avait différents Kommandos, pour la réparation des voies ferrées, des exploitations agricoles, et dans l’entretien des routes, j’ai même participé à la construction d’un barrage en Autriche.
Dans ces Kommandos les SS nous faisaient subir des tâches inutiles, harassantes, ces groupes de Kommandos étaient menés durement par des Kapos français et polonais.
Dans les baraquements nous étions mélangés, il y avait toutes les nationalités, à Dachau c’était chacun pour soi, il n’y avait pas de solidarités. C’était une question de survie, de lutte à chaque instant.
Un beau jour je ne savais pas pour quelles raisons, nous avons été évacués vers un autre camp celui de Buchenwald, notre convoi a été régulièrement bombardé par l’aviation alliée, nous avions eu plusieurs morts, d’autres grièvement blessés, pour éviter de mourir je me suis caché sous les cadavres, c’étaient les marches de la mort.
Nous avons mis 23 jours pour rejoindre Buchenwald, dans des conditions indescriptibles, inhumaines.
A Buchenwald, il y avait des cadavres partout dans le camp, les fours crématoires fonctionnaient nuit et jour, une sensation nauséabonde m’envahit, l’odeur de la chair brûlée.
Lorsqu’ on me pose la question « Pourquoi vous ne voulez pas raconter ». Je réponds « je ne peux pas, j’ai vécu des choses terribles, un véritable cauchemar, une horreur indescriptible. On ne peut pas raconter…Avec tous ce que j’ai vu, vécu pendant ces mois d’horreur, cela me révolte.
Je suis révolté parce qu’à mon retour à Saint Etienne, seul le maire est venu me saluer, une fois. D’autre part à Saint Etienne, j’ai retrouvé d’anciens miliciens, qui ont été décorés pour des faits d’armes et ces miliciens n’ont jamais été condamnés.
Personnellement je n’ai jamais été récompensé, je fais partie de rien, aujourd’hui je suis un bénévole, j’apporte un réconfort, une compagnie aux personnes seules soit dans les maisons de retraite soit chez elles.
J’essaye de faire du bien, je suis déçu par mon retour en 1945, ma mère était contente de me revoir, j’ai perdu pendant cette période tragique mon frère dans la Rhur. J’en veux aux allemands parce qu’ils ne pouvaient pas ignorer ce qui se passait. Des dizaines de Kommandos quittaient le camp de Dachau, traversaient la ville sous le regard de la population allemande. De jeunes enfants portant la croix gammée, nous crachaient dessus en nous proférant des insultes et des menaces de mort.
C’est vrai, aujourd’hui il faut tourner la page mais il ne faut pas oublier, il faut transmettre cette mémoire pour expliquer ce qui s’est passé, mais je pense aussi qu’il faut pardonner.
Témoignage recueilli par Mr Lamaï BECHER AFMD 54
Essey les Nancy :Mars 2011
Monsieur BARILONE Pascal est né le 8 juin 1924 à Castelnova en Italie.
C’est le matricule n° 75948 à DACHAU