Le Loibl-Pass
Parmi les Kommandos du camp de Mauthausen (camp central), celui du Loibl-Pass était le plus éloigné (330 Kms) Les déportés envoyés de Mauthausen étaient acheminés en train jusqu’à la petite gare de Tržič en Slovénie, (que les allemands avaient rebaptisé Neumarktl), terminus de la voie ferrée pour ensuite être conduits en camion jusqu’au camp. Les déportés avaient été amenés là pour creuser un tunnel routier dans la montagne pour éviter de passer par le col, impraticable en hiver. Ce tunnel devait permettre de relier rapidement Klagenfurt (Autriche) à Ljubljana (Slovénie). Les travaux commencèrent le 3 juin 1943 avec l’arrivée du premier convoi de 300 français qui fut rejoint, le 18 juillet 1943, par un convoi de 250 autres français.
En deux ans, l’effectif total atteindra environ 1800 hommes répartis en dix nationalités.
Le camp slovène aménagé en pleine montagne, à près de 1000 mètres d’altitude, était appelé le camp Sud. Les 1500 mètres qui séparaient le camp de l’entrée du tunnel étaient effectués quotidiennement à pied par les déportés, chargés de matériel pour la construction du tunnel et au retour, de pierres destinées à l’aménagement du camp.
Le camp autrichien qui prendra l’appellation de camp Nord, sera installé, quelques mois plus tard, à proximité de l’entrée du tunnel, à 1100 mètres d’altitude, à flan de montagne, dissimulé dans une épaisse forêt d’épicéas.
La distance entre les deux camps, par le col, étaient d’environ cinq kilomètres et on ne pouvait y accéder qu’en empruntant une route tortueuse qui montait à 1367 mètres d’altitude. Même les camions en été avaient parfois du mal à franchir ce col.
Les conditions de travail étaient très pénibles tout comme les conditions climatiques car la neige s’installait dès le début du mois d’octobre et recouvrait tout jusqu’à la fin mai.
L’hiver, les températures pouvaient descendre jusqu’à – 25°. Les déportés devaient donc, tôt le matin, en plus de leurs dix heures de travail quotidien, déblayer en permanence, les blocks, les routes d’accès, les rails devant les entrées du tunnel. De plus, les avalanches étaient fréquentes et bloquaient parfois les routes d’accès au camp.
Malgré le dépeçage de la Yougoslavie, les partisans furent nombreux dans cette région montagneuse. Leur présence connue de tous, rendait crédible le pari fou de tenter une évasion. 26 déportés prirent ce risque et 21 réussirent. Évasions individuelles ou collectives.
Le nombre de décès resta faible, une quarantaine tout au plus et ce pour plusieurs raisons :
- Une sélection d’hommes valides à Mauthausen,
- Les camps civils implantés à proximité de ceux des déportés, limitant ainsi les exactions,
- Une population ouvertement antinazie,
- Des partisans omniprésents dans les montagnes
- Et surtout un climat sain, limitant les maladies.
Le 7 mai 1945, les déportés évacuèrent le camp, encadrés par des SS et furent finalement libérés en Autriche par les partisans du maréchal Tito, le 8 mai 1945 au matin. Une centaine de déportés français décidèrent de rester combattre avec les Partisans du maréchal Tito et formèrent la Brigade Liberté.
Que reste-t-il aujourd’hui du Loibl-Pass ?
En Slovénie :
Dès la libération, le site fut entretenu par les autorités yougoslaves puis slovènes. L’espace occupé par le camp est aujourd’hui délimité par une rangée de sapins qui rappelle la présence de la double rangée de barbelés. Des terrasses engazonnées marquent clairement l’emplacement des baraques. À l’entrée du camp un panneau décrit en plusieurs langues, dont le français, l’organisation des bâtiments et ce qui en reste. De l’autre côté de la route, sur l’emplacement du camp civil, un monument a été érigé à la mémoire des déportés qui creusèrent ce tunnel.
En Autriche :
Le Land de Carinthie ignora longtemps l’histoire de ce camp. Au fils des années, le camp tomba carrément dans l’oubli et la végétation naturelle reprit ses droits. Il fallut attendre 1995, à l’initiative d’universitaires de Klagenfurt, pour que deux grands panneaux avec un plan précis de ce camp soient installés à la sortie du tunnel. Mais en 2009, le processus s’inversa. L’emplacement du camp fut déboisé et de grands travaux d’aménagements furent engagés. Depuis 2011, des panneaux descriptifs sont implantés sur l’emplacement même du camp autrichien.