Le Convoi de déportation dit des "31 000"
Le 23 janvier 1943, 222 prisonnières quittent, en camion, le fort de Romainville pour le camp de Compiègne ou` elles sont enfermées dans un bâtiment en vue de leur départ.
Là se trouvent 8 autres femmes :
• 6 d’entre elles avaient été extraites de la prison de Fresnes
• deux du Dépôt.
Le lendemain matin, ces 230 femmes sont emmenées en camion à la gare de Compiègne où elles montent dans les quatre derniers wagons d’un train qui la veille au soir, avait été formé avec au moins 1466 hommes confinés dans les wagons à bestiaux.
Après le transport du 6 juillet 1942, dit des « 45 000 » composés principalement d’otages communistes, c’est le second, formé de déportés arrêtés par mesure de répression à partir de Compiègne. C’est, un transport « double », composé d’hommes et de femmes, embarqués dans des wagons séparés et dont les destins divergent sur le territoire allemand.
Le24 janvier1943 ce train prend la direction de l’Allemagne.
Les femmes déportées sont originaires de différents départements de la zone Nord occupée et principalement de villes de plus de 10 000 habitants. Au moins 106 d’entre elles viennent de la région parisienne. La moitié de ces déportées appartient à la classe ouvrière, un quart sont des commerçantes ou des employées. On note aussi la présence de dix institutrices et de deux professeurs, d’un médecin et d’une sage-femme, d’une dentiste et d’un reporter-photographe.
Plus de la moitié de ces femmes (119) sont communistes ou proches du PCF. Elles sont pour 85% d’entre elles des résistantes. Les autres ont été arrêtées pour des raisons diverses dont deux pour avoir tenté de passer la ligne de démarcation. 45 d’entre elles sont des veuves de fusillés : elles avaient appris, avant leur départ, l’exécution de leur mari par les Allemands. D’autres sont déportées en même temps que leurs maris, enfermés dans les wagons destinés au KL Sachsenhausen.
Dans ce convoi se trouve notamment Marie-Claude Vaillant- Couturier, agent de liaison entre la direction du PCF et les branches de la Résistance. Simone Sampaix fille de Lucien Sampaix, secrétaire général de L’Humanite (fusillé le 15 décembre 1941). Danielle Casanova, chirurgien- dentiste, fondatrice de l’Union des jeunes filles de France, rédactrice de La voix des femmes. Hélène Solomon, fille du professeur Langevin et veuve de Jacques Solomon (fusillé le 23 mai 1942), elle militait avec Danielle Casanova au sein du Front national universitaire. Maÿ Politzer est l’épouse du philosophe Georges Politzer, rédacteur dans L’Université libre et La Pensée libre, (fusillé au Mont-Valérien le 23 mai 1942). Il faut noter, enfin, la présence dans ce transport de Charlotte Delbo, secrétaire de Louis Jouvet jusqu’en 1941, qui entre en résistance avec son mari Georges Dudach, (fusille´ le 23 mai 1942). Ce sont les recherches effectuées à son retour par Charlotte Delbo qui a permis de faire l’histoire de ce transport.
Arrivées dans la soirée du 26 janvier, elles ne descendent des wagons que le lendemain matin et entrent dans le camp de Birkenau en chantant La Marseillaise. Baptisé « convoi des 31000 » parce que ces femmes ont été immatriculées dans la série des « 31000 », entre les numéros 31625 et 31854, c’est le seul convoi de résistantes à avoir été dirigé vers Auschwitz, et non Ravensbrück.
Le sort des 230 femmes déportées est marque´ par une mortalité importante.
Les premiers mois suivant leur arrivée à Birkenau sont les plus meurtriers, en particulier a` cause de l’épidémie de typhus qui sévit dans le camp et des diverses formes de « sélection » qui conduit les plus faibles dans les chambres à gaz.
Charlotte Delbo indique qu’elles ne sont plus que soixante-dix, le 10 avril 1943 sur les 230 entrée au camp trois mois plus tôt.
Dix-sept « 31000 » ont été affectées dans un Kommando de Raisko dont le régime est plus clément : C’est un laboratoire où des chercheurs expérimentent la culture du kok - saghiz, une sorte de pissenlit dont la racine contient une forte proportion de latex. Elles se sont fait inscrire comme laborantines ou jardinières.
Le 7 janvier 1944, huit de ces dernières sont transférées vers le KL Ravensbrück
- Cinq partent ensuite vers le Kommando de Beendorf, une mine de sel dépendant du KL Neuengamme
- Une vers un Kommando du KL Flossenbürg.
- Deux restent au KL Ravensbrück.
Les neuf qui demeurent à Raisko sont transférées au KL Ravensbrück le 16 août 1944.
Leurs camarades restées à Birkenau ont été emmenées au KL Ravensbrück le 3 août.
Arrivées dans ce camp le 4 aout, elles sont placées au Block des détenues « Nacht und Nebel », ce qui signifie notamment qu’elles ne sont pas transférées dans des Kommandos de travail extérieurs au camp principal.
Seule Adélaïde Hautval est envoyée a` Watenstedt, dépendant du KL Neuengamme, pour servir de médecin au Revier du camp, et cela de manière temporaire, avant de revenir a` Ravensbrück.
Par ailleurs, deux « 31000 » restées au Revier de Birkenau comme malades au moment des départs d’août vers Ravensbrück. Elles connaissent un parcours différent :
- •Marie-Jeanne Bauer est libérée du camp par les Russes le 27 janvier 1945.
- Marcelle Mourot rejoint le KL Ravensbrück dans un transport du mois de novembre 1944. Puis, après un passage par le Kommando d’Oranienburg, elle revient dans ce camp en février 1945.
Le 2 mars 1945, trente-trois “31000” sont transférées au KL Mauthausen où elles arrivent le 5 mars après un voyage très pénible. La plupart d’entre-elles sont obligées de boucher à la gare de triage d’Amstetten les trous d’obus et de déblayer les voies quotidiennement bombardées par l’aviation américaine. Trois “31000” seront tuées sous les bombes.
Le 22 avril 1945, trente “31000” sont prises en charge par la Croix-Rouge internationale et acheminées en camion à Saint-Gall en Suisse. De là, elles gagnent Paris par le train où elles arrivent le 30 avril. C’est le groupe le plus important de “31000” libérées ensemble, c’est le “parcours” le plus partagé.
Les dix neuf autre déportées survivantes de ce convoi sont évacuées vers d’autres camps et libérées en avril.
Sur les 230 femmes entrée à Birkenau le 26 janvier 1943 ont survécu à leur déportation 49 femmes ce qui correspond à un taux de mortalité de 79%, un chiffre particulièrement élevé pour des déportées de répression. Les femmes arrêtées par mesure de répression de ce transport sont les seules à avoir été dirigées vers le complexe d’Auschwitz. Les autres femmes venant de France étaient des Juives déportées dans le cadre de la « solution finale ».