Félix Kreissler, un "patriote résistant"
LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 844 - juillet-août 2010
La revue Austriaca - Cahiers universitaires d’information sur l’Autriche, éditée par le Centre d’études et de recherches autrichiennes de l’Université de Rouen, a consacré son dernier numéro à un hommage à Félix Kreissler, fondateur de la revue, à l’occasion du cinquième anniversaire de son décès survenu en octobre 2004. Les lecteurs du Patriote Résistant se souviennent certainement des nombreux articles de Félix Kreissler publiés dans ces colonnes, portant sur l’histoire de l’Autriche annexée au IIIe Reich, sur les dérives d’extrême droite dans la politique contemporaine autrichienne ou encore sur les étrangers dans la Résistance française dont il fit partie (au sein du « Travail allemand » notamment), avant d’être déporté à Buchenwald.
Félix Kreissler, Autrichien de France, était discret sur sa vie et les contributions à ce numéro d’Austriaca, qu’elles prennent la forme d’articles savants, d’analyses politiques et littéraires ou de souvenirs personnels rédigés
par des collègues, disciples et amis permettent de mieux appréhender le parcours et l’engagement intellectuel et politique de cet historien hors normes, dont l’oeuvre reposait sur trois aspects indissociables : la lutte pour la
justice sociale, la résistance à la tentation fasciste et la consolidation de la nation autrichienne. Né en 1917 dans « Vienne la rouge », la conscience politique de Félix Kreissler s’éveilla très tôt, son engagement dans le mouvement lycéen contre l’austro-fascisme lui vaudra bientôt d’être emprisonné et exclu de toutes les écoles d’Autriche. Privé d’avenir dans son pays, il émigra en France en 1937 où il put poursuivre ses études. Fort naturellement il rejoignit la Résistance, avec sa future épouse Denise (qui sera déportée à Ravensbrück, et à laquelle la revue rend aussi hommage après son décès en 2009). C’est sous le pseudonyme d’Henri Lebrun que Félix fut arrêté, livré à Barbie et torturé puis envoyé à Buchenwald. Au camp, sa plus grande fierté, écrivait-il, aura été de traduire ou plutôt d’interpréter les communiqués de la Wehrmacht pour donner du courage à ses co-détenus francophones.
Après la guerre, la famille Kreissler retourna en Autriche où Félix collabora pendant une dizaine d’années à des journaux proches du parti communiste. Revenu en France, il deviendra « l’historien de la prise de conscience de
la nation autrichienne », thème de l’une de ses thèses de doctorat. Professeur à l’Université de Rouen, il dirigea des travaux novateurs sur la culture politique de l’Autriche et s’employa à faire connaître l’Autriche aux Français. Ce fut aussi le cas à l’Université populaire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) dans laquelle il s’impliqua et où il donna de nombreuses conférences. Son besoin de jouer le médiateur et l’informateur entre la France et l’Autriche a été relevé dans plusieurs contributions de ce numéro d’hommage.
L’une d’elles nous touche particulièrement puisqu’elle traite de « Félix Kreissler et le Patriote Résistant ». Son auteure, Ute Weinmann (Université de Cergy-Pontoise), analyse les quelque 23 articles parus entre 1989 et
2004 dans le mensuel de la FNDIRP et note en conclusion : « Ce travail journalistique vers la fin de sa vie, en France, représente en quelque sorte un pendant à celui de l’après-guerre en Autriche. Autant sur le plan thématique que formel, ces textes réunissent les thématiques kreissleriennes : d’un côté, l’appel incessant à un travail de mémoire et à tirer les leçons de l’Histoire, l’appel à la vigilance devant toutes sortes de fascisme, de
l’autre l’amour critique de l’Autriche et de la France. On ne pourrait trouver meilleur dénominateur commun et mieux désigner son auteur que par le nom du journal qui a, parmi tant d’autres, servi de support à Félix Kreissler :
Le Patriote Résistant ».
Austriaca n° 67-68 : Hommage à Félix Kreissler (1917-
2004). Textes réunis par Ute Weinmann. 2009. Publications
des universités de Rouen et du Havre, CERA, rue Lavoisier
76821 Mont-Saint-Aignan Cedex. 20 euros