Carrière Robert est né en 1925 à Toulouse. Il est décédé le 6 juin 2019 à Toulouse.
Il est arrêté en septembre 1943 alors qu"l tente de franchir la frontière.
Il sera déporté à Buchenwald puis transféré à Mittelbau Dora.
En 2012, il écrit le texte
"La mort et moi " :
"Me suis-je vraiment rendu compte qu’Elle a été ma compagne de tous les jours
pendant deux ans plus ou moins présente suivant les périodes de ma déportation ?
Elle dut apparaître le premier jour de mon aventure dans la forêt de Burgalay sur un sentier qui descendait vers l’Espagne. Au détour de ce chemin : deux fusils braqués sur moi et Elle va nous suivre jusqu’à Luchon avec la Gestapo. Quelle va être la décision de ces messieurs ? ...
Elle sera à nouveau présente dans le train qui nous dirige sur Toulouse, l’évasion est là, mais elle n’aura pas lieu. Pas d’évasion, ou bien on fusille les autres, et les autres peuvent être nos parents. Elle va s’éloigner un temps puis réapparaître dans le train qui nous conduit à Paris et à Compiègne où là, Elle nous laissera un répit avant de refaire une apparition dans le train direction l’Allemagne, son domaine de prédilection.
Dans le train, à la suite de l’évasion manquée, Elle sera presque gagnante puisqu’Elle sera constamment à nos côtés. Arrivée à Buchenwald Elle aura déjà certains de mes nombreux compagnons à son actif et ne nous quittera plus jusqu’à la fin. Je n’y pense nullement et pourtant Elle est présente et le sera pendant 18 mois ! ...
Dora : un domaine à Elle, où Elle va donner toute sa mesure. Elle va me harceler sans cesse mais je lui résisterai car je ne pense pas à Elle . Et pourtant le kapo me le répète souvent « morgen du kaput » (« toi, demain t’es foutu ») mais moi je dis « non » !
Elle va se croire gagnante le jour de la fusillade où je m’en sors sans une égratignure. Cependant Elle aura eu son compte puisqu’une dizaine de mes compagnons n’auront pas eu ma chance. Elle sera présente tous les jours sur la place d’appel pour les pendaisons. Elle nous suivra à l’évacuation du camp. Elle guettera le moment propice dans le train qui nous mènera à Ravensbrück.
Elle croit avoir gagné quand ne pouvant remonter dans le wagon le SS me vise avec son fusil mais je lui résiste encore grâce à René Malnati. Va-t-Elle se lasser ? Non, Elle va me suivre jusqu’à Toulouse et là Elle est sûre d’avoir gagné.
Mais Elle se trompe, je résiste encore une fois et je m’en sors. Je pars pour la Suisse avec quelques malades mais Elle va m’abandonner pour un jeune maquisard qui, lui, ne pourra lutter contre Elle et mourra à Paris.
Enfin je ne l’aurai plus jamais derrière moi. Elle se lassera. Elle me laissera en paix. Elle attendra, j’espère, que j’atteigne un grand âge. À ce moment là je l’affronterai sereinement parce que je l’aurai décidé. Je retrouverai mes chers compagnons déportés qui seront là pour m’aider à franchir le pas.
Ai-je vraiment eu peur de la mort ? Je ne sais pas. Est-ce de l’inconscience ? Je ne m’étais jamais posé la question. J’étais toujours certain qu’Elle ne m’aurait pas."
Robert Carriére
2012- Toulouse