Parcours de déporté(e)s du Val-de-Marne

 

Exemples de parcours individuels et collectifs

Depuis 2005, l'AFMD 94 recense les déporté(e)s né(e)s, domicilié(e)s ou arrêté(e)s dans l'actuel département du Val-de-Marne. Les parcours individuels et collectifs qui suivent rendent compte de la diversité des itinéraires retrouvés et se veulent un hommage à toutes les victmes de la Déportation, disparues et rescapées.

 

René Quenouille

Le médecin-radiologue René Quenouille (59 ans) de Villeneuve-Saint-Georges, arrêté en pour avoir caché des parachutistes, est déporté au camp de concentration de Mauthausen le 16 octobre 1943. Il reçoit le matricule 37804. Il est transféré en juillet 1944 au camp de concentration de Neuengamme, près de Hambourg, où il rejoint le professeur Gabriel Florence, de Lyon, et deux infirmiers hollandais, également déportés. Tous quatre sont chargés d’assister et de soigner 20 filles et garçons, de 5 à 12 ans, tous juifs, arrivés d’Auschwitz. Ces enfants servent de cobayes à un professeur nazi qui se livre sur eux à des expériences douloureuses sur la tuberculose. La maladie leur a été inoculée. Parmi ces enfants, se trouvent deux Français de 12 ans : Georges-André Kohn et Jacqueline Morgenstein.

Le 20 avril 1945, sous la menace des Britanniques qui approchent, ordre est donné au commandant du camp de faire disparaître les enfants et leurs soignants. Tous sont transportés par camion, de nuit, à Hambourg, dans le sous-sol de l’école de Bullenhuser Damm, siège d’un Kommando évacué. Les SS pendent d’abord les quatre soignants aux tuyaux de chauffage, puis les 20 garçons et filles. Les enfants ont été plus ou moins endormis par une piqûre, à l’initiative du médecin SS du camp, sous prétexte d’une vaccination. Les corps des 24 victimes n’ont jamais été retrouvés.

 

Les Val-de-Marnais du convoi des « 45 000 »

Le convoi, parti de Compiègne le 6 juillet 1942 et arrivé à Auschwitz le 8 juillet, occupe une place particulière dans la déportation de répression. Les 1 175 hommes qui le composent révèlent la volonté de l’occupant nazi de lutter contre le « judéo-bolchevisme » : près de 90 % des déportés sont des militants du Parti communiste ou de la CGT, arrêtés comme résistants ou otages, une cinquantaine sont des otages juifs. Ces hommes ont été arrêtés pour la plupart par la police française et livrés aux autorités allemandes, dans le cadre de la politique de collaboration.

A leur arrivée, la grande majorité des déportés reçoivent un matricule dans la série des 45000, qui donne son nom au convoi. Répartis entre le camp d’Auschwitz I et le camp d’Auschwitz II-Birkenau, ils subissent un traitement particulièrement terrible : 15 % des « 45000 » sont encore en vie en mars 1943. La solidarité dont avait fait preuve ces militants engagés de longue date dans le combat antifasciste n’a pas suffi face à l’extrême violence exercée sur eux. Sur les 1 175 déportés partis de France, 119 seulement sont de retour en mai 1945. Sur les 113 déportés domiciliés dans 22 villes du Val-de-Marne, seuls 5 rentrent en France en mai 1945.

Les raflés du Perreux

Le 25 août 1944, au Perreux-sur-Marne, dans l’après-midi, un régiment mécanisé allemand en retraite essuie des coups de feu au rond-point de Plaisance (aujourd’hui rond-point du général Leclerc). En représailles, l’épicerie Le Familistère est incendiée et, vers 16 h 30, sept sapeurs-pompiers du centre de secours de Fontenay-sous-Bois, à bord d’un fourgon mixte, se rendent sur les lieux du sinistre, et sont rejoints par trois sapeurs-pompiers du centre de secours de Saint-Maur-des-Fossés à bord d’un porteur d’échelle.

Les occupants allemands, furieux, les molestent et les prennent en otages, comme une trentaine de civils du Perreux arrêtés au hasard sur leur passage. A bord de camions, tous sont emmenés et enfermés pour la nuit dans l’usine Thomson de La Maltournée. Et le 26 août au matin, le lendemain de la libération de Paris, les camions chargés des otages repartent vers l’est. Pour avoir parlé à des passants lors d’un arrêt à Montevrain (Seine-et-Marne) à l’est de Lagny, le sapeur-pompier Maurice Caupain est abattu dans le camion par un soldat allemand et son corps est jeté sur le bas-côté de la route.

Le convoi repart vers l’est, et tous les otages sont internés le soir même au camp de répression de Neue Bremm, près de Sarrebruck, puis dispersés dans différents camps de concentration.

Parmi les 10 sapeurs-pompiers, 5 ne sont pas revenus et, parmi les otages civils, 23 ne sont pas rentrés en avril-mai 1945.

 

Les Val-de-Marnaises du convoi du 24 janvier 1943

Le 24 janvier 1943, un convoi de 230 femmes, en majorité résistantes, quitte Compiègne pour parvenir à Auschwitz après trois jours et trois nuits de train dans des wagons à bestiaux cadenassés. Issues de toutes les sensibilités politiques, de toutes les couches sociales, d’âges mêlés, mais où dominent les jeunes, elles entrent dans le camp d’Auschwitz-Birkenau en chantant la Marseillaise. Parmi ces déportées, se trouvent quelques grandes figures, notamment Danielle Casanova, qui meurt dès mai 1943, Marie-Claude Vaillant-Couturier, qui témoignera pour ses camarades au procès de Nuremberg, ou Charlotte Delbo, qui sera l’historienne de ce convoi.

Après six mois de détention, 57 sont encore en vie. 49 parviennent à survivre et, après des transferts vers d’autres camps, notamment Ravensbrück, peuvent rentrer en France entre avril et juillet 1945.

Une quinzaine de Val-de-Marnaises sont recensées dans le convoi du 24 janvier 1943. Parmi elles, figurent deux membres des Francs-Tireurs et Partisans (FTP) : Denise Roucayrol (42 ans), infirmière, et Alphonsine Seibert (44 ans), aide-soignante à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. Elles y ont organisé un groupe de résistance en compagnie de cinq hommes employés à l’hôpital. Des armes ont été entreposées dans les combles de l’hôpital.

Tous sont arrêtés par la Gestapo, jugés et condamnés à mort. Les deux femmes sont déportées à Birkenau par le convoi du 24 janvier 1943. L’un des hommes René Diot, a été retrouvé pendu dans sa cellule de la prison de la Santé ; ses camarades, Mohammed Ben Sliman, de Villejuif, Georges Bouzetait de Montreuil, Georges Frémond de Villejuif et Paul Renaud du Kremlin-Bicêtre ont été fusillés au Mont-Valérien le 11 août 1944. Alphonsine Seibert et Denise Roucayrol sont mortes à Auschwitz-Birkenau en mars et avril 1943.

Les raflés des centres d’accueil

En juillet 1944, les Alliés qui ont débarqué en Normandie doivent faire face à une forte opposition des troupes allemandes. La progression des Alliés est lente mais les Allemands savent qu’ils ne pourront plus les repousser. Partout, la Résistance multiplie les actions pour désorganiser et affaiblir la risposte allemande. A Paris et dans sa banlieue, l’atmosphère devient fébrile. L’occupant s’en inquiète. Les nazis les plus fanatiques veulent porter d’ultimes coups.

Le chef du camp de Drancy, Aloïs Brunner décide de déporter les jeunes pensionnaires des centres d’accueil tenus par l’Union générale des Israélites de France dans la région parisienne dont il connaît les emplacements. 250 enfants et adolescents ainsi que le personnel d’encadrement sont visés.

A La Varenne-Saint-Hilaire, 28 enfants et 6 encadrants sont raflés dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944. Tous sont conduits au camp de Drancy. A Saint-Mandé, l’orphelinat du 5 rue de Granville abrite 19 fillettes juives de 7 à 14 ans. Elles sont raflées avec la directrice, Thérèse Cahen (46 ans), le 22 juillet 1944 et conduites également au camp de Drancy.

Enfants et personnel d’encadrement sont déportés par le convoi n° 77 qui quitte Drancy le 31 juillet 1944 : il comprend 1 300 personnes, dont 270 enfants et adolescents de moins de 18 ans. Après deux jours et demi de voyage dans les wagons à bestiaux fermés, le convoi arrive à Auschwitz-Birkenau. A la descente des wagons, les SS divisent les déportés en deux files : celle des adultes jugés aptes à travailler et celle des vieillards, des femmes chargées de nourrissons, des enfants et des adolescents. Tous les déportés de la 2e file sont dirigés vers les chambres à gaz où ils sont immédiatement assassinés.

Thérèse Cahen, la directrice de l’orphelinat de Saint-Mandé, refuse d’abandonner ses jeunes pensionnaires. Elle disparaît avec elles. Une des 19 fillettes, Rosette Krimolowski, âgée de 14 ans, mais qui paraît plus, est sélectionnée pour le travail. Elle parvient à survivre jusqu’à l’évacuation d’Auschwitz et est libérée en mai 1945. Elle retrouve sa grand-mère qui a pu échapper à la déportation.

La famille Chicheportiche

Le 20 janvier 1942, la conférence de Wannsee, près de Berlin, planifie la mise en œuvre la « solution finale de la question juive », c’est-à-dire l’extermination des juifs d’Europe.

Cette politique commence à être appliquée en France dès l’été 1942, quand sont organisés les premiers convois emportant des familles entières vers Auschwitz. Les otages juifs des premiers convois de 1942 entrent tous dans le camp mais à partir de l’été 1942, la plupart des déportés sont dirigés immédiatement vers les chambres à gaz. Au total, 79 convois de déportés juifs partent de France, la plupart de Drancy, jusqu’au 17 août 1944. Seuls six convois ont une autre destination qu’Auschwitz, mais la mort reste le seul horizon prévu par les nazis.

De 1942 à 1944, quelque 1 300 hommes, femmes et enfants, issus de la plupart des villes du Val-de-Marne, sont déportés parce que juifs, selon les critères édictés par l’Occupant allemand et l’Etat français. C’est le cas de la famille Chicheportiche, habitant Ivry-sur-Seine : le père, Salomon (46 ans), la mère, Blanche (42 ans), les 6 enfants, Gisèle (17 ans), Claudine (16 ans), Bernard (13 ans), Max (11 ans), Henri (8 ans) et Marlène (6 ans), sont déportés de Drancy le 31 juillet 1943 par le convoi n° 58. Tous ont été gazés et déclarés décédés à Auschwitz le 5 août 1943, cinq jours après leur départ de France.

 

Pierre Brossard

Le camp de concentration de Neuengamme, dans la banlieue sud-est de Hambourg, est encore peuplé de plus de 8 000 détenus de toutes nationalités au début du mois d’avril 1945. Le 19 avril, le commandant du camp donne l’ordre d’évacuation.

En une semaine, plus de 8 000 hommes sont acheminés à Lübeck, un port à environ 80 km au nord, sur la mer Baltique ; ils sont rejoints par des détenus du camp de Dora. Le parcours est semé de cadavres. Les survivants sont entassés dans des conditions inhumaines à bord de trois navires : un paquebot, le Cap Arcona, et un cargo, le Thielbek, ancrés au large de la Baie de Lübeck ; un second cargo, l’Athen, est seul capable de naviguer. Les trois navires devenus camps de concentration flottants, arborent le pavillon rouge à croix gammée.

Pensant que ces navires vont évacuer des nazis vers la Suède, des avions alliés les attaquent le 3 mai 1945. Le Thielbek coule rapidement, le Cap Arkona prend feu et se couche sur le flanc. L’Athen parvient à rejoindre le port de Neustadt : quelque 2 000 hommes sont sauvés. Plus de 7 300 détenus, dont le français Pierre Brossard de Fontenay-sous-Bois, à bord du Cap Arkona, périssent dans la tragédie, engloutis ou noyés dans la mer Baltique.  Seize Français seulement ont survécu aux deux naufrages.

Simone Lambre

Dès 1941, un groupe de résistants FTP s’organise à Champigny. Il réalise quelques attentats spectaculaires dans la commune. Malheureusement, un des membres est arrêté et donne les noms de ses camarades. En juillet 1943, les brigades spéciales de la police française démantèlent le groupe et livre ses membres aux Allemands. Maurice Pirolley, Auguste Taravella, Jean Savu, Pierre-Marie Derrien et Louis Noger sont condamnés à mort. Ils sont fusillés, avec celui qui les a donnés, au Mont-Valérien en octobre 1943. Simone Lambre est interpellée à son domicile. La police découvre une ronéo et 80 kg de tracts et journaux clandestins. Elle cache en outre depuis plusieurs mois un couple de réfugiés juifs russes, Salomon et Hudès Gutman.

Simone Lambre est internée à la prison de La roquette à Paris puis au fort de Romainville. Le 11 août 1944, elle est déportée depuis la gare de Pantin au camp de Neue Bremm à Sarrebruck, puis au camp de Ravensbrück. Elle y meurt le 28 janvier 1945.

Salomon et Hudès Gutman sont internés au camp de Drancy puis déportés à Auschwitz en novembre et en décembre 1943. Ils sont assassinés dans les chambres à gaz.

Prosper Moïzo

Prosper Moïzo (24 ans), né à Saint-Maurice, travailleur du service du travail obligatoire (STO), est arrêté en Allemagne à Berlin pour faits de résistance et incarcéré à la prison de Berlin-Moabit le 7 janvier 1945. Il est déporté au camp de concentration de Sachsenhausen, à 30 km au nord de Berlin, le 31 janvier 1945, sous le matricule 133586.

Il est transféré au camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, et affecté au Kommando d’Ebensee, constitué de tunnels creusés au flanc de la montagne pour produire à l’abri des bombardements de l’essence synthétique et des armes secrètes. Le travail y est très pénible, les kapos brutaux et le climat très rude : il y neige encore début mai.

Prosper Moïzo décède à Ebensee le 2 mai 1945.

Jacques Bonnetain

Jacques Bonnetain (22 ans), domicilié à Saint-Maur-des-Fossés, membre du réseau Alliance, transmet des renseignements à Londres. Arrêté à Paris le 16 septembre 1943, interrogé brutalement, il est transféré à la prison de Kehl, proche de Strasbourg où la Gestapo du lieu instruit son cas le 9 février 1944. Puis il est emprisonné à Fribourg-en-Brisgau, au pays de Bade, où il est auditionné avec d’autres membres du réseau Alliance, arrêtés comme lui.

Jugé le 12 juin 1944, il est condamné à mort pour espionnage au profit d’une puissance ennemie et placé à la prison de Schwäbisch Hall près de Stuttgart. Sa grâce ayant été refusée, le condamné apprend son transfert pour la nuit du 20 au 21 août 1944. Son sort est scellé : vers minuit, il doit laisser ses effets personnels sur place après avoir rempli une étiquette à son adresse en France. Menotté, il est intégré à un groupe de 24 condamnés à mort qui est acheminé par camionnette vers la caserne d’Heilbronn vers 2 heures du matin. Sur place, Jacques Bonnetain peut écrire une dernière lettre à sa famille. Un curé assiste les condamnés dans leurs derniers instants. Par groupes de huit, les 24 hommes sont transportés sur le champ de tir de Heilbronn, où se dressent autant de poteaux espacés chacun d’une dizaine de mètres.

Jacques Bonnetain est exécuté à l’aube du 21 août 1944.

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