15 janvier 1944 - 15 janvier 2024 80ème anniversaire de l'arrestation du Père Jacques
La journée de commémoration du 80ème anniversaire de l’arrestation du Père Jacques, des trois enfants juifs cachés au Petit-Collège des carmes, de Paul Mathéry, secrétaire de mairie et de Lucien Weil et sa famille, s’est déroulée en plusieurs étapes entre 11h30 et 17h, ce lundi 15 janvier 2024.
Le matin, ce fut la messe en hommage au Père Jacques, célébrée par Mgr Nahmias, évêque de Meaux ; puis devant la plaque des noms dans la cour, l’évocation de chacune des personnes arrêtées ce jour-là, à Avon et Fontainebleau.
Mais l’après-midi réservait une surprise émouvante, après la conférence du frère Didier-Marie sur le don de soi, tel que l’a pratiqué le Père Jacques : « faire don de sa vie jusqu’au bout de sa vie », cette surprise, ce fut l’intervention de Monsieur Stanislas de Sainte-Marie, ancien élève de 6ème au Petit-Collège en janvier 1944, sans doute le dernier témoin de l’événement encore présent.
Le jeune Stanislas est arrivé au collège des Carmes en octobre 1943, connu de sa famille grâce à sa tante, elle-même carmélite, et à l’excellente réputation de cet endroit, grâce à la personnalité du Père Jacques. Le premier soir, Stanislas a assisté à une réunion dans la chapelle des élèves.
Le jeune garçon qu’il était a retenu une phrase prononcée par le Père Jacques : « Votre destinée est de devenir des saints ».
Puis commence son récit de la journée du 15 janvier 1944 :
« Dans ma classe de 6ème [où les Allemands ne sont pas entrés [il n’y avait pas d’enfant juif !] nous apprenons que les soldats allemands sont là, dans un premier temps nous ne le ressentons pas comme une menace. Ça ne nous disait pas grand-chose.
La classe se termine et tous les élèves du collège sont rassemblés en rang dans la cour et un officier allemand procède à l’appel, à l’aide des cartes d’alimentation. Cela dure au moins deux longues heures, dans le froid de cette journée de janvier, sans doute pour vérifier qu’il n’y avait aucun autre enfant caché illégalement et peut-être sans carte d’alimentation.
S’adressant à nous élèves, l’officier allemand commence une leçon de morale et insiste en disant : “Votre directeur a fait quelque chose de très grave en cachant des juifs.” Un des élèves intervient : “Ce sont nos camarades comme les autres.” Réplique de l’Allemand : “Vous n’êtes pas camarades avec un nègre, vous n’êtes pas camarade avec un Juif.”
Après le départ des trois enfants juifs emmenés par les Allemands, le Père Jacques apparaît sur le perron et, avant d’être à son tour emmené, s’adresse à nous les élèves en disant : “Au revoir les enfants, continuez sans moi”, les élèves l’ont alors applaudi ; le film de Louis Malle montre l’inverse, les enfants s’adressant en premier au Père Jacques.
Puis l’officier allemand annonce la fermeture du collège pour 15 heures.
Je me rappelle avoir été raccompagné à Paris grâce au père de l’un de mes camarades dans une Juva 4 et d’être arrivé chez moi au grand étonnement de mes parents.
Je peux ajouter que j’avais été très impressionné par la stature spirituelle du Père Jacques, même si je n’ai pas eu le temps d’avoir beaucoup d’échanges faisant partie des “ petits ”, en revanche je me rappelle très bien des soirs où le Père Jacques venait dans le dortoir dire bonsoir à chacun d’entre nous.
La mort du Père Jacques, par épuisement, un mois après sa libération du camp de Mauthausen nous a été annoncée lorsque le Petit-Collège a rouvert à l’automne 1944. »
Répondant à quelques questions venues de la salle, Monsieur de Sainte-Marie a précisé combien l’avait bouleversé le port de l’étoile jaune, insigne qu’il trouvait « agressif » avec son jaune violent ; il ajoute que lors de l’arrestation d’une famille juive dans son immeuble, la croyance commune était que ces personnes partaient travailler dans des mines de sel !
Monsieur de Sainte-Marie, 91 ans, a impressionné et conquis l’assistance par l’aisance dans ses propos et son esprit très clair, comme l’a montré sa relation des faits.
Ce monsieur, petit de taille, mais grand par sa prestance et son allure, qui n’a pas souhaité être aidé dans ses déplacements durant les différents moments et lieux de commémoration, est resté assis, imperturbable, dans le vent et le froid, en imperméable, sans gants, sans chapeau ni écharpe, durant plus d’une heure lors de l’hommage au Père Jacques devant sa tombe dans le petit cimetière conventuel.
La commémoration s’est terminée par les discours des officiels et les dépôts de gerbes de Marie-Charlotte Nouhaud, maire d’Avon, et de Thierry Mailles, sous-préfet de Seine-et-Marne.
Selon les temps forts de la journée, les participants n’ont pas toujours été les mêmes et ce sont près de 200 personnes qui au total auront participé à tel ou tel moment, parmi lesquelles plusieurs de l’AFMD 77 : Maryvonne Braunschweig,
Marie-Christine et Jean-Christophe Hagopian, Monique Léost, Colette LLech,
Edith Lévy. Huguette Cuisy et Francis Devrainne notre porte-drapeau.
Signalons aussi la présence de Claire Dobiecki, fille de Bernard Dobiecki qui en 1942, jeune juif de 18 ans, tout juste bachelier, dont les parents avaient été arrêtés lors de la rafle du Vél d’Hiv du 16 juillet 1942, a été accueilli par le Père Jacques au Petit-Collège où il est resté plusieurs mois avant d’être placé dans une famille comme répétiteur.